PRESSE : Les Hauts-de-France dans le virage de la réindustrialisation

L’usine de jeans de FashionCube ouvre demain à Neuville-en-Ferrain. C’est l’un des symboles de la réindustrialisation régionale. La crise sanitaire, en paralysant des pans entiers de l’économie, a engendré une prise de conscience collective sur la nécessité de relocaliser.
Le Fashioncube Denim Center ouvrira demain à Neuville-en-Ferrain. Cette usine de jeans initiée par Jules et d’autres marques de prêt-à-porter de la galaxie Mulliez (Bizzbee, Pimkie, Grain de Malice...) est l’un des symboles de la réindustrialisation dans la région (1). Dans un pays qui fabrique 5 % (en valeur) des textiles qu’il consomme (2), les 410 000 pantalons annoncés chaque année à partir de 2024 sont un événement. L’enseigne Jules, qui commencera avec une série de 1000 pièces « Made in Nord », vise les 10 % de jeans fabriqués sur ce nouveau site.
Les porteurs de ce nouveau projet ont néanmoins prévenu : le coût de revient d’un jean neuvillois sera multiplié par deux par rapport à son alter ego bangladais. La version française sera cependant vendue seulement 10 euros plus chère (59 euros). « C’est une autre équation économique », confiait dans nos colonnes fin 2021 Erika Joffrin-Cadix, directrice de l’offre chez Jules. Moins de transport puisque l’entrepôt de Jules est basé à Wattrelos, des délais plus courts, une production qui correspond aux ventes, moins de produits vendus au rabais... Le coût du produit doit être envisagé dans sa globalité. FashionCube le sait : à ses débuts, l’usine produira à perte. Il faudra qu’elle tourne à plein régime pour gagner en compétitivité.
Trois facteurs de désindustrialisation
En fin d’année dernière, la Chambre de Commerce et d’Industrie Hauts-de-France publiait une étude sur les relocalisations dans les Hauts-de-France. Elle notait que trois facteurs principaux avaient présidé à la désindustrialisation : le progrès technique et les gains de productivité, la concurrence étrangère et l’externalisation des services.
En revanche, lorsque le mouvement inverse s’opère, c’est en raison de « la mauvaise qualité des produits, du coût de transport élevé (financier et environnemental), du temps de transport long et, avec la récente crise, de la prise de conscience d’un manque d’indépendance de la France. » Il faut ajouter à cela des consommateurs de plus en plus soucieux des questions environnementales et sociales. Une enquête Cevipof - Le Monde (3) montrait que 85 % des Français se disaient favorables à la production sur le territoire même si les produits étaient plus chers à la consommation.

La CCI recensait ainsi 60 opérations de relocalisation industrielle dans la région, pour 1700 emplois créés prévus. Au niveau national, selon les chiffres publiés le mois dernier, le plan de relance de l'économie lancé en septembre 2020 a permis de soutenir 782 projets de relocalisation ou de modernisation d’entreprises industrielles en France. L’État a ainsi versé près de 1,6 milliard d'euros de subventions, ce qui a permis de générer 5,4 milliards d’euros d’investissements productifs dans ces entreprises.
Plus d’ouvertures que de fermetures d’usines
Au cours des cinq dernières années écoulées, les ouvertures d’usines ont été plus nombreuses que les fermetures : 646 sites ont été créés pour 486 disparitions, selon le cabinet Trendeo. Les délocalisations ont été divisées par deux par rapport aux deux quinquennats précédents. Avant la crise, plus de 30 000 emplois industriels avaient d’ailleurs été recréés entre 2017 et 2019 en France, selon l’Insee, ce qui n’était pas arrivé depuis 2000. Mais en 2020, l’industrie représentait 13,5 % de la richesse produite en France, soit 10 points de moins qu’en 1980. En sortie de crise, l’industrie manufacturière (hors énergie) ne pèserait plus que 9 % du PIB et contribuerait à hauteur de 14 % à la production manufacturière de la zone euro, contre 39 % pour l’Allemagne ou 16 % pour l’Italie.
(1) Les enseignes réunies dans FashionCube emploient 9 000 salariés, détiennent 2 300 magasins et réalisent 1,6 milliard de chiffre d’affaires.
(2) Selon l’Union des industries textiles (UIT).
(3) Cevipof, centre de recherches politiques de Sciences Po, sondage publié en avril 2021.